TOUTE UNE VIE
30 août, 2008
Le soleil éclaire le jardin chassant les dernières zones d’ombre. Emilie, assise devant la fenêtre suit des yeux le petit rouge- gorge, qui posé sur le rebord la fixe de son oeil rond. Les souvenirs affleurent : Elle revoit la petite fille quelle était, le visage encadré de nattes brunes, jardinant aux cotés de sa mère, là aussi un rouge-gorge tout près les regardait.
Les années se sont écoulées avec leur cortège de joie et de tristesse. Ses cheveux sont gris, le temps a creusé son visage de fins sillons. Emilie assise bien droite sur sa chaise recouverte d’un velours cerise est encore très belle, d’une beauté estompée par le voile des vécus qui jour après jour ont défilé emportant sa jeunesse.
Elle est habillée d’un corsage couleur crème agrémenté d’un volant et d’une jupe beige qui descend sur ses bottines. Elle tient sur ses genoux un livre ouvert. Interrompant sa lecture Emilie laisse errer son regard au-delà de la vitre.
Des souvenirs encore…. Elle revoit cette terrible période de la guerre, son père mobilisé, jamais revenu, mort aux champs d’honneur avait-on dit à sa mère.
Après cela bien sûr la vie avait changé, sa mère reprenait le métier de couturière les clientes ne manquaient pas en cette période de restrictions.
Sa scolarité terminée, Emilie passe une licence, puis enseigne l’anglais….C’est pendant cette année là qu’elle épouse son ami d’enfance Pierre. Deux enfants des jumelles Charlotte et Marion de charmants diablotins comblent le foyer de bonheur. La situation de son mari étant florissante elle quitte son poste au lycée et se consacre à la vie de famille. Pendant les vacances scolaires sa mère en grand-mère attentionnée accueille les fillettes dans cette proprièté qui était la sienne.
La vie de famille s’écoula heureuse et sans histoire jusqu’au jour où Emilie rencontra Julien chez des amis : Ce fut un véritable coup de foudre. Sa vie bascula… Pierre s’opposa au départ des enfants avec leur mère et c’est seule quelle rejoignit Julien. Son nouveau bonheur dura trois ans, puis Emilie regretta la folie qui lui avait fait perdre ses petites filles…. Ils se séparèrent sans heurt. Emilie travaillait dans un bureau d’étude à Paris. Elle avait la garde conjointe de Charlotte et Marion . Pierre était remarié et lui avait pardonné son départ . Les Jumelles naviguaient entre les deux foyers.
A son tour elle refit sa vie et épousa Daniel dont elle eut un garçon, les jumelles ravies, maintenant adolescentes chouchoutèrent le petit Nathan.
Les années passèrent les filles étaient mariées et mères de famille.
Daniel et Nathan sont associés et viennent de partir à l’étranger pour leurs affaires. Emilie n’a pu les suivre dans ce voyage. Depuis quelques temps sa santé lui cause du soucis qu’elle cache pour ne pas les inquiéter.
Son regard se perd dans le jardin, le soleil de cette fin d’après-midi caresse doucement les pavots rouges et roses, la corbeille d’argent, les campanules bleues : toutes ces fleurs forment un délicieux fouillis odorant multicolore.
Brusquement elle porte sa main à sa poitrine, une douleur fulgurante la fait pâlir ses traits se crispent…. Le livre sur ses genoux glisse et tombe à terre, elle tente de se lever mais son corps s’affaisse, sa tête s’incline sur le coté.
Emilie vient de quitter ce monde seule, sous le regard impassible du petit rouge-gorge
ETHANE